Les Éditions de La Frémillerie

L’affaire du Vatican

Un roman de David BOCCARA                            

 

Extrait                                                                         

LF

David BOCCARA, né à Paris, est Docteur d'Etat en droit et Avocat à la Cour de Paris.

Il est l'auteur de diverses contributions à la théorie du droit et de l'Etat ainsi que de nombreux articles positivistes en sciences juridiques et financières, dans la plupart des publications universitaires et professionnelles.

Au contact du milieu des affaires depuis plus de vingt ans, sur tous les continents, il en a retenu que la réalité dépassait toujours la fiction.

Par l'écriture, il rend compte d'un envers du décor beaucoup plus drôle et affligeant que ne le soupçonne le grand public où le rire est le remède permettant de conjurer le drame de la comédie humaine. Cette riche et secrète expérience ne pouvait que le déterminer à faire partager ce véritable spectacle.

 

Julius Jodl avait le poil gris bien ras et luisant à la lumière crue du soleil d’hiver, en cette toute fin de matinée, sur l’Île de la Cité. Sa peau était, elle aussi, blanchâtre, mais sans doute pour une toute autre raison que la luminosité radieuse. Il venait de se manger une peine consistante pour usurpation d’identité, faux et usage de faux en écritures publiques. Il n’avait absolument rien compris du tout à la litanie qu’avait ânonnée, en guise de décision, sans articuler, le président de chambre correctionnelle, comme aurait lu quelqu’un payé au mot débité dans un concours de vitesse. Son avocat, qu’il avait du reste très mal payé – ou pas payé du tout –, avait été minable. Et que les gendarmes n’aient pas fondu sur lui, après que le jugement fut prononcé, lui avait suffi. Julius n’avait pas demandé son reste. Libre, à l’appel de cause suivant, il avait donc décampé rapide­ment de la salle du tribunal, se ruant rageusement hors du Palais de Justice.

 

Parvenu à l’extérieur, il fut saisi par l’extrême vivacité de l’air frais, qui l’étourdit un peu. Mais c’en était fini de toute cette sale histoire, à l’instant même. Dehors, cette vague impression de nausée, qui l’avait gagné au saut du lit – après la trouille qu’il avait commencé à ressentir la veille – pour l’étreindre de plus en plus, le quittait déjà. Sur ce quai sud de la Seine, la blafarde lumière rasante était aveuglante. Julius plissait donc les yeux, ce qui lui donnait plus facilement accès à son intériorité. Se prendre, à son âge ! une telle sanction, c’est comme la fessée déculottée en public. Cela laisse une méchante impression de congestion dans tout l’être et la bouche pâteuse ; d’autant qu’il n’était pas habitué à ce genre de mésaventure. Outre les amendes de circulation routière, qu’il ne payait jamais par principe, il n’avait rien à son casier. Alors, quand son avocat lui avait dit qu’il s’occupait de tout, Julius avait cru pouvoir tout prendre à la légère ; du moins jusqu’à ce qu’il reçoive sa citation à comparaître…