« On fait son chemin en marchant »
Après Théâtre d’ombres, Michèle Jullian nous emmène cette fois Là où s’arrêtent les frontières, une nouvelle quête de son héroïne, Marie, cette fois-ci à la recherche de son amoureux, le beau militaire Somchaï, qui a disparu dans les montagnes du nord de la Thaïlande, à la frontière birmano-thaïlandaise, alors qu’il pistait des trafiquants de drogue.
Sur ce fond d’aventures exotiques, l’auteure nous emmène où elle veut, en entrecroisant différentes histoires qui nous dévoilent les disfonctionnements de cette Thaïlande qu’elle connaît si bien depuis 30 ans qu’elle la pratique. Du côté des pauvres, les paysans d’Isan où elle a vécu quelques années, du côté des ethnies karen, réfugiés sans papiers de Birmanie dans les régions frontalières du nord, où elle réside actuellement.
On est en 2010, à Bangkok les « Chemises Rouges », les recrues de Thaksin, presque tous d’origine Isan, campent à Rachaphrasong devant le CentralWorld « ce temple de la consommation devenu le paradis d’une nouvelle génération de Bangkokiens qui avait fait du shopping plus que son passe-temps favori : sa raison de vivre », et la violence est sur le point d’exploser. A l’autre bout du pays, à Mae Sariang, on regarde des soaps à la télé, et on vit au rythme des saisons, « pas à celui d’une capitale plus exotique pour les ethnies de montagnes que Tokyo ou Singapour ».
Michèle Jullian aborde avec son regard de femme des sujets rarement traités dans les ouvrages concernant la Thaïlande qui inondent les librairies locales. De même pour l’histoire d’amour entre Marie, « occidentale individualiste et sans religion » et Somchaï, « oriental mais aussi pur produit de sa culture communautaire et bouddhiste » et son interrogation sur les cultures et leur compatibilité. Dans une relation interculturelle, faut-il accepter l’idée que « la culture de l’un prend toujours le pas sur celle de l’autre pour durer dans le temps » ?
Pas forcément, répond l’auteure, en parlant de sa propre expérience de couple mixte, « si l’on est assez sage, si l’on a assez vécu pour trouver un équilibre et accepter sa propre culture ». Parole de femme !
Martine HELEN
Magazine GAVROCHE — décembre 2012