Les Éditions de La Frémillerie |
Présentation de l’œuvre de Vinh An par Bui Xuan Quang
Dès l’âge de trente-deux ans, Vinh An aurait pu se vanter que ses œuvres figuraient dans les collections des amateurs éclairés, cultivés et célèbres – Henry Miller, la Baronne Alix de Rotschild, Joseph Breitbach (qui avait acheté un des premiers Paul Klee en 1919). La gloire était à sa portée mais, fidèle à la Sagesse, Vinh An s’éloignait des tumultes du monde. Pourtant Vinh An n’oubliait pas l’Amitié, de temps en temps, entre les joies solitaires de la peinture, il revenait à ses amis, leur confectionnait quelques plats savoureux, français ou vietnamiens, jouait un ou deux morceaux de flûte à sa manière, inimitable, puis, parfois, lorsque le vin de l’amitié le gagnait en profondeur, il récitait pêle-mêle Shakespeare, Vu Hoang Chuong, Baudelaire, à la grande joie de tous, vieillards, hommes, femmes ou enfants.
« Le petit Ermite vit dans les montagnes tandis que le grand Ermite vit dans la ville ». Vinh An décide de choisir la voie la plus difficile parce qu’il aime profondément Paris, le Paris des visages silencieux, des arbres solitaires, des ombres furtives, des fenêtres à peine éclairées. Comme Foujita, comme Miller, Vinh An vit sa propre expérience parisienne pendant les dures années de l’après-guerre, mais de la vie et ses tourments, il ne retient que ses courbes harmonieuses, sa musique, son chant, ses instants de beauté. De la guerre, Vinh An garde en secret ses souffrances et nous offre la fraternité, l’espoir.
L’œuvre de Vinh An, c’est l’œuvre de la Réconciliation, celle de l’homme, qui, acculé à la vengeance choisit le pardon, qui acculé à la haine, choisit la fraternité.
A l’image des sages antiques, Vinh An préfère la tranquillité de l’eau à la violence du feu – à la force du soleil, il préfère la douceur de la lune. Cette lune qui, présente dans la plupart de ses paysages, est l’héritage de sa mère. C’est la même lune qui éclaire les terres qui l’ont vu naître. Elle est le souvenir des nuits resplendissantes d’étoiles, où, adolescent, il rêvait déjà à Van Gogh, à Hokusai. Les années de travail et d’expérience lui ont donné une technique de pinceau et une approche de couleurs personnelles indécelables, rappelant celles des grands maîtres des temps anciens, mais nous sommes persuadés que dès le début, Vinh An avait déjà soupçonné ce qu’est réellement le Chemin intérieur, celui de la Connaissance, celui qui lie l’homme à la vie.
Peu d’artistes ont su nous faire entrevoir cette clé de l’harmonie, de paix, de bonheur, que nous cherchons tous, consciemment ou inconsciemment. L’œuvre de Vinh An, comme celles de quelques hommes de cœur qui parsèment notre vie, nous fait saisir furtivement, à des instants de grâce, ce qu’est le miracle de l’Art, le seul, l’unique, le fondamental, celui qui nous réconcilie avec l’homme, avec la vie, avec Dieu.
Bui Xuân Quang Paris juillet 78 |
Eclatement d’un son (1978) Huile sur toile (48x83 cm) |
LF |