Les Éditions de La Frémillerie |
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LY THU HO.
Née en Cochinchine pendant la période coloniale, Ly Thu Ho a fait ses études au Collège indigène de Saïgon. Elle s’est mariée, et à partir de 1958, après avoir élevé six enfants et s’être installée en France, elle s’est consacrée à l’écriture. Elle a composé en particulier une trilogie romanesque sur trente-cinq années de guerre au Viêt-Nam, ayant passé la fin de sa vie près de Paris, à Varenne-Saint-Hilaire, et à Valras Plage. Son dernier roman, Le Mirage de la paix, a remporté le prix de l’Asie de l’ADELF (Association des écrivains de langue française), qu’elle partageait avec Michel Tauriac. Les romans de Ly Thu Ho présentent les effets de plus de trois décennies de guerre sur la famille vietnamienne. Dans un monde où la société était basée sur le principe confucéen de la piété filiale et où la structure hiérarchique familiale se répétait à tous les niveaux sociaux, la famille, telle que Ly Thu Ho la peint, symbolise toute la société vietnamienne déchirée par les forces extérieures et vouée à son autodestruction dans une guerre « fratricide ». En incorporant des références historiques, Ly Thu Ho ancre ses narrations dans un contexte spécifique bien connu en Occident. Printemps inachevé (1962) est centré sur la deuxième guerre mondiale et la guerre contre les Français jusqu’aux accords de Genève tandis qu’Au milieu du carrefour (1969) reprend le fil du premier texte pour présenter la lutte entre le Nord et le Sud, sous l’ombre de l’intervention américaine. Le Mirage de la Paix (1986) retrace l’histoire du Viêt-Nam jusqu’en 1976, période réunification mais aussi de profonde incertitude pour les Vietnamiens. Dans ses personnages, Ly Thu Ho humanise un destin qui semble écrasant et incompréhensible pour ces mêmes individus et a fortiori lointain et étranger pour les lecteurs. Elle crée en particulier des personnages féminins courageux et indépendants, en l’absence d’hommes morts ou partis à la guerre. Ces femmes seules assureront la survie de la culture vietnamienne face à l’incertitude de l’avenir. D’un souffle quasi épique, Ly Thu Ho conte la tragédie et le courage de son peuple.
Jack A. Yeager « La production romanesque des écrivaines vietnamiennes d’expression française » Présence Francophone (automne 1993) |
ISBN:978-2-35907-055-2 Format 13x20 cm 218 pages 14 € |
Extrait
Le calme régna tout au moins jusqu’en 1944. Les troupes japonaises s’installèrent au Viêt-Nam en 1941. Apparemment, leur arrivée ne provoqua ni complications, ni incidents. Les habitants continuèrent à vaquer calmement à leur travail et s’inquiétèrent peu à la vue de ces militaires au visage d’ascète. Des Vietnamiens, qui les trouvèrent courtois et sympathiques, apprirent leur langue, collaborèrent et commercèrent avec eux. Mais le mari de Tuoi, André, qui fréquentait de nombreuses familles vietnamiennes, n’ignorait pas que la présence de l’armée japonaise travaillait l’esprit de la plupart des gens du pays. Pour l’ensemble de la population, elle était un signe de perte du prestige français. Les personnes superstitieuses et les adhérents aux sectes religieuses, par exemple, la commentèrent en faisant allusion aux prédictions faites quelques années auparavant par un vieux bonze célèbre par ses dons divinatoires : « Chúng nào lúa moc trên chi, Voi đi trên giây hêt doi thây Tàng » (Quand le paddy poussera sur du zinc, quand l’éléphant marchera sur du papier, les Français s’en iront d’ici.) Or, à cette époque, au Viêt-Nam, les pièces de dix et de vingt sous étaient frappées avec un alliage de zinc, ayant sur l’une des faces le dessin d’une gerbe de paddy et les billets de cinq piastres étaient illustrés d’un dessin d’éléphants. Quant aux hommes politiques, la présence de l’armée japonaise signifiait pour eux le déclin de la colonisation française et donnait le signal de la lutte pour la reconquête de l’indépendance. C’est en mai 1944 que Saïgon reçut les premières bombes. Le bombardement fut insignifiant, mais il jeta la panique dans la population. Malgré les tranchées et les abris creusés de longs mois auparavant, les Saïgonnais envoyèrent leurs familles en province et les habitants des provinces cherchèrent refuge dans les rizières en occupant leurs maisons de campagne ou en se faisant héberger par leurs fermiers. |
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